Arrêtés anti-burkini : l’argument de la laïcité est « très mauvais »

La mairie de Cannes, suivie de deux autres communes, ont pris un arrêté anti-burkini qui se fonde sur le principe de laïcité, sur les questions d’hygiène et de troubles à l’ordre public. 

INTERVIEW

La polémique sur le port du burkini, ce vêtement couvrant qu’utilisent certaines femmes musulmanes pour se baigner, ne retombe pas. Après Cannes, c’est au tour de Villeneuve-Loubet, dans les Alpes-Maritimes, puis de Sisco en Corse, de prendre un arrêté interdisant ce type de vêtement. Une interdiction qui se fonde sur le principe de laïcité mais aussi sur celui du trouble à l’ordre public ou des questions d’hygiène. Alors, interdire le burkini est-il légal ? Patrice Rolland, professeur émérite de droit public à l’Université de Paris-Est Créteil, nous répond.

19h15, le 15 août 2016, modifié à 06h46, le 16 août 2016

cannes

@ JEAN CHRISTOPHE MAGNENET / AFP

La mairie de Cannes, suivie de deux autres communes, ont pris un arrêté anti-burkini qui se fonde sur le principe de laïcité, sur les questions d’hygiène et de troubles à l’ordre public. 

INTERVIEW

La polémique sur le port du burkini, ce vêtement couvrant qu’utilisent certaines femmes musulmanes pour se baigner, ne retombe pas. Après Cannes, c’est au tour de Villeneuve-Loubet, dans les Alpes-Maritimes, puis de Sisco en Corse, de prendre un arrêté interdisant ce type de vêtement. Une interdiction qui se fonde sur le principe de laïcité mais aussi sur celui du trouble à l’ordre public ou des questions d’hygiène. Alors, interdire le burkini est-il légal ? Patrice Rolland, professeur émérite de droit public à l’Université de Paris-Est Créteil, nous répond.

 

Peut-on s’appuyer sur la laïcité pour interdire le burkini sur les plages ?

C’est un motif très mauvais parce que c’est l’Etat et le service public qui sont laïcs. Ce n’est pas l’espace public ni les habitants de France qui sont obligés d’être laïcs. L’espace public est un lieu de circulation, d’exercice de la liberté de se déplacer, de la liberté de montrer ses convictions. Une plage, une rue, n’est pas laïque en soi. Depuis 1901, alors que c’était interdit avant, l’Eglise catholique peut, par exemple, faire des processions. Il y a une dérive de considérer que l’espace public est soumis au principe de laïcité. Si c’était le cas, il faudrait alors déshabiller toutes les bonnes sœurs, tous les curés en col romain, les rabbins avec une kippa….

Le juge administratif n’a pas retenu l’atteinte au principe de laïcité mais plutôt le fait que dans le contexte actuel, le burkini peut être interprété comme n’étant pas, « qu’un simple signe de religiosité ». Qu’en pensez-vous ?

Ça me parait très circonstanciel parce que ça porte atteinte à une liberté fondamentale, la liberté de se vêtir. Est-ce que le risque d’attroupements et d’échauffourées est réel ? Le juge est sensible aux circonstances actuelles, mais pour un juriste, ce n’est pas un bon signe pour l’avenir des libertés. Pour moi, cette décision est un peu trop sensible aux circonstances actuelles. Quand vous avez une petite religieuse, qui vient évangéliser, en tenue de bonne sœur, sur une plage, personne ne dit rien. Ce n’est pas plus dans le contexte d’une plage, qu’une femme qui est habillée de la tête jusqu’aux pieds parce qu’elle veut se cacher. L’argument des circonstances est possible mais je trouve qu’il est maximisé.

Le Conseil d’Etat peut-il valider, selon vous, ce type d’arrêté municipal ?

Il peut le valider uniquement sur le fait que le contexte actuel fait craindre des troubles à l’ordre public. Apparemment, c’est ce qu’a retenu le juge des référés. C’est un argument parfaitement recevable dans l’absolu. Moi, je trouve que les circonstances ne suffisent pas. Dire que trois femmes en burkini sur une plage vont susciter une émeute, ça me parait un peu difficile. La police est capable de maintenir l’ordre public. En revanche, jamais le Conseil d’Etat ne validera l’argument de la laïcité.

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