« Mariage civil et mariage religieux »

A la suite de l’article sur  l’état civil, la commission laïcité vous propose une information sur « Mariage civil et mariage religieux ».
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La loi pénale interdit de passer, comme on dit, devant M. le curé avant M. le Maire.

Plus encore, elle interdit de se lier religieusement si l’on ne souhaite pas se marier au civil. Cette interdiction remonte à la révolution française quand l’Assemblée législative dans sa dernière séance, le 21 septembre 1792, avant que les Conventionnels ne votent l’abolition de la monarchie, laïcisa les registres d’état civil en confiant leur tenue aux services municipaux, sous l’autorité des maires. Cette décision mit un terme à la fonction dévolue à l’Eglise depuis François 1er.

 Pourquoi cette mesure ? Parce que la persistance d’un mariage religieux à côté d’un mariage civil, sans qu’une hiérarchie soit établie entre eux, aurait pu permettre à une partie des fidèles de constituer une contre-société en perpétuant l’Ancien Régime, surtout avec le schisme entre clergé constitutionnel et le clergé réfractaire. Le Code pénal napoléonien mit un terme à ce désordre en introduisant le fameux article qui fait obligation de célébrer le mariage civil avant tout mariage religieux, sous peine d’amende et d’emprisonnement : le civil primerait ainsi sur le religieux.

En 1992, lors de l’élaboration d’un nouveau Code pénal, le ministère de la Justice souhaita supprimer cette interdiction au motif qu’une union religieuse ne produit aucun effet de droit, en matière de patrimoine, de pension de réversion ou de succession. Une cérémonie religieuse avant et même sans union civile n’est rien de plus que la simple bénédiction d’un concubinage.

Cette limitation introduite par le Code pénal pouvait apparaître comme une atteinte au droit de manifester sa religion, ce qui est contraire à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Pourtant, le législateur de l’époque a maintenu l’interdiction, mais en l’atténuant jusqu’à la rendre de fait impraticable puisque n’est aujourd’hui passible de sanction que le ministre du culte qui célèbrerait des mariages de « manière habituelle », plus d’une fois tous les trois ans. Autant dire que la possibilité de sanction est quasi inexistante, d’autant plus que la notion de « ministre du culte », possible sujet de la sanction, a considérablement évolué. Elle n’a plus, même pour l’église, de définition précise puisque les différents rites du culte catholique (baptêmes, célébrations dominicales en l’absence de prêtres, obsèques ou même mariages…) peuvent être exercés par les diacres, mariés ou non, et même par des laïques ordonnés.    Sont-ils encore des « ministres  du culte », dont ils ne font pas profession en permanence ?

Et comment définir et contrôler l’activité des divers pasteurs du dimanche des églises évangéliques ?

Au-delà des difficultés juridiques liées à son application, le maintien de ce principe se heurte à l’évolution des mœurs et à la création de formules d’union variable. Il a pour effet de s’immiscer dans le droit des individus à vivre leur foi en fonction de leur choix d’union civile car l’article parle de mariage. Il est interdit donc aux pacsés, qui ont pourtant contracté devant une autorité civile, de s’unir religieusement sous peine de sanction, puisqu’ils ne sont pas mariés. Ainsi, l’Eglise protestante unie de France peut ; sans tomber sous le coup de la loi, bénir les couples d’homosexuels qui ont contracté un mariage, mais ne peut, sous peine de sanction pénale, unir de la même manière des couples d’hétérosexuels pacsés. De même, le maintien de cette intersection pénale met dans l’embarras l’Eglise confronté à des demandes de veufs ou veuves qui souhaitent un nouveau mariage religieux dont la célébration ne serait pas contraire à leur foi, mais qui ne souhaitent pas le faire précéder d’un mariage civil qui pourrait avoir pour eux ou leurs proches des effets patrimoniaux non désirés, ou la perte des revenus tirés d’une pension de réversion dont ils sont déjà bénéficiaires. Aussi ceux qui célèbrent ces nouveaux mariages religieux le font-ils en gardant le silence.

Ce qui maintient en vigueur le principe de l’interdiction, c’est la crainte de voir se développer des mariages religieux multiples à caractères polygame. Faut-il rappeler que la loi laïque ne sanctionne la polygamie que comme le fait de contracter une nouvelle union civile sans que  la précédente soit dissoute ? Polygynie ou polyandrie sans effets de droit ne sont passibles d’aucune sanction. Cette crainte d’une pratique de type intégriste avec la bénédiction d’imams rétrogrades, ne peut justifier à elle seule le maintien d’une sanction juridique qu’il est au demeurant difficile de mettre en œuvre en l’absence de traces écrites, puisque les mosquées en cause ne tiennent aucun registre. Il y a même un effet contre –productif au maintien d’une règle qu’on peut enfreindre sans sanction et qui renforce ainsi le sentiment qu’on peut se mettre en marge des lois de la République à peu de frais. Sa persistance oblige des jeunes musulmans désireux d’avoir des relations acceptées par leurs parents, mais qui ne sont pas prêts à contracter un mariage, à utiliser la fathia, la bénédiction maritale musulmane, laquelle peut être donnée non par un imam, mais par un homme pieux devant deux témoins. Cette pratique peut donner le sentiment aux « fiancés » qu’il faut se mettre dans l’illégalité républicaine pour pouvoir frayer en paix.

 

Il serait conforme à l’esprit et à la lettre de l’article 2 de la loi de 1905 de faire disparaître la sanction pénale qui vise à interdire la célébration d’un mariage religieux avant un mariage civil. Cette suppression ferait des unions religieuses des affaires purement privées, ne relevant d’aucune compétence étatique, comme ne relève d’aucune compétence étatique le soin de juger ce qui se passe ensuite dans le lit des conjoints.

Il reviendrait aux magistrats de ne pas poursuivre les couples s’unissant religieusement avant ou indépendamment de toute union civile.

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