Laïcité : un principe de liberté

Propos recueillis par Naïké Desquesnes le 30 Janvier 2017

 

Interview Témoignage Chrétien de Jean-Louis Bianco

Le président de l’Observatoire de la laïcité* la défend comme principe de liberté. Face à ceux qui prônent de nouvelles restrictions, Jean-Louis Bianco oppose un patient travail de pédagogie pour couper court aux fantasmes.

TC : Dans une tribune parue en juin dernier dans le journal Le Monde, vous écrivez que vous entendez souvent : « La loi de 1905, c’est vieux et dépassé ! » Que répondez-vous ?

Jean-Louis Bianco : La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen date de 1789. Faut-il l’abroger ? Moi, je constate tous les jours lors de débats, de sessions de formation auprès de citoyens ou d’institutions que la loi de 1905 est tout à fait adaptée.

Elle nous rappelle deux choses fondamentales : d’abord, que la laïcité est un principe de liberté, celui de croire et de ne pas croire. Une liberté qui s’arrête lorsque nos paroles ou nos comportements troublent l’ordre public. Ensuite, que la séparation des Églises et de l’État garantit l’égalité de tous les citoyens. Mais, attention, la laïcité, c’est la neutralité de l’État et de ses agents publics, pas des citoyens : chacun peut aller faire la queue en préfecture, se promener dans la rue ou se rendre à la plage avec une kippa ou un foulard.

Et pourtant certains élus ou représentants de l’État semblent remettre ça en cause…

C’est un droit des citoyens parfois mal connu, qu’il faut sans cesse rappeler. Certains veulent neutraliser l’espace public, comme si l’on devait priver de liberté au nom d’une tenue vestimentaire ! Ce sont les paroles ou les comportements qui sont répréhensibles, pas les vêtements. Le foulard est une obsession française, comme s’il était une menace pour notre identité nationale. Ce discours politique irresponsable, que l’on entend surtout à droite mais parfois aussi à gauche, revient à stigmatiser une partie de la population. C’est dangereux.

Les cas de non-respect de la laïcité sont-ils plus nombreux aujourd’hui ?

Les tensions s’accroissent mais c’est aussi parce qu’on en parle davantage aujourd’hui que la liste des litiges s’étend. L’une de nos enquêtes révèle que 35% des personnes travaillant dans les hôpitaux disent avoir affaire à des préoccupations religieuses. Mais 4% seulement relèvent de situations conflictuelles. Et parmi ces 4%, la majorité se règle par le dialogue. On est loin d’une laïcité assiégée ! Les médias montent en épingle des polémiques, comme celle du burkini cet été.

Les vraies menaces contre la laïcité ne viennent pas de là mais d’un islam politique qui tente de grignoter les principes républicains. Il a tendance à se développer dans des zones ghettoïsées, très homogènes. C’est pour cela qu’il faut des politiques de mixité sociale à l’école et dans les quartiers. Une autre menace, moindre, vient des « intégristes de la laïcité », pour qui toute différence est dangereuse.

Comment l’Observatoire va-t-il continuer son travail en 2017 ?

Nous craignons la teneur de certains débats stigmatisants à l’approche de la présidentielle. Il faut revenir aux bases, car les gens ont besoin de repères pour savoir ce qui est permis ou non. C’est pourquoi nous avons récemment publié un guide important, « Libertés et interdits dans le cadre laïque ». Mon mandat s’achève avec les élections. Quel que soit le résultat, j’espère que l’Observatoire pourra poursuivre ses missions au-delà car il a acquis une grande légitimité sur le terrain.

* Instance consultative créée en 2013 et rattachée au Premier ministre.

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